The face of deception || Ft Nox

Le voyage avait été rude pour venir jusqu'ici, cette ville sans foi ni loi. Selenne ne s'était absolument pas risquée à passer par le marais aux miasmes, cette zone empoisonnée et dangereuse pour tout être humain. Non, elle avait préféré passer par les frontières et le territoire de Nix. Bien évidemment, elle ne s'était pas trop attardé sur ces lieux, de peur de provoquer un quelconque incident quand à la présence d'une soldate mercenaire sur un territoire où elle n'a pas été quémandée. Tout cela pour masquer son identité et voir l'état de la situation dans la ville abandonnée de ses propres yeux, ce lieu que personne a Nebula ne semblait vouloir changer.

Et comment dire qu'elle était loin d'être déçu. A peine arrivée que l'odeur même de la ville lui fit comprendre que tout était catastrophique, un mélange de sang, de tabac et de tant d'autres odeurs montrant que l'ordre ne régnait en rien sur cette ville. Et cette constatation la plongea dans le désarroi le plus total. Selenne aime son pays, cette patrie qui se bat pour l'équité entre tous. Alors pourquoi le gouvernement, le système en place, avait-il choisi d'abandonner cette ville à son sort ? Oui, la situation particulièrement isolé de la ville la rendait difficile d'accès, mais avec suffisamment de moyen, n'était-il pas possible de remédier à la situation et de faire évacuer toute la population avant que la situation ne dégénère ? Enfin, elle n'eut pas trop le temps d'y réfléchir qu'un petit groupe d'individus s'approcha d'elle, avec des intentions qui semblait être pour le moins agressive. Elle soupira un instant avant de dégager sa longue chevelure blonde de sa nuque et de se tourner vers ses futurs interlocuteurs.

"Messieurs." Elle incline légèrement la tête, pour montrer sa résilience, sa propension à ne pas se faire remarquer. Elle n'est pas ici en tant que générale des Clairvoyants. Tiens, d'ailleurs, en tant que quoi est-elle ici exactement ? "Ecoutez, je viens de Nix pour quelques affaires ici et j'apprécierais pouvoir les accomplir sans rencontrer de problème majeurs." Elle tente de se faire passer pour une autre, mais aux yeux de connaisseurs, tant de détails la trahisse. Sa posture, sa façon de parler, procédurière, dénote tant avec ce qu'elle veut paraître. Mais bon, quel étranger de visite à Caer Hrid ne camoufle pas ses véritables intentions ? "Donc dites moi ce que vous désirez et, comme toute personne censée, nous pourrons sans doute trouver un arrangement." L'épée accroché à ses bagages est son unique moyen de défense et Selenne le sait, elle sera capable de se défendre si besoin est. Mais elle préférerait clairement que les locaux pensent que cette arme servent uniquement de méthode d'intimidation, rien de plus. Pour ne pas dévoiler un peu plus son jeu.

« Ahah ! Alors comme ça, on s'attaque aux étrangers, Maverick ?! »

Pas de réponse. Le vent souffla. Pas une petite brise, mais une bonne grosse bourrasque... une tornade, même ! Les mains sur les hanches, le visage figé, Nox fronça les sourcils. Il pensait s'être placé à bonne distance, là, en hauteur. Vraisemblablement, il s'était trompé. De peur de risquer une semaine sous le signe du mal de gorge, l'homme décida plutôt de descendre de son balcon que de gueuler comme un sauvage. Il escalada minutieusement la chaumière où il s'était posté, pour finalement aller poser le pied sur les pavés crasseux.

Il réprima une quinte de toux, et reprit sa pose héroïco-salvatrice avec une mine plus confiante encore que précédemment. Cette fois, il s'exprima d'une voix certes modérée, mais bel et bien intelligible... et surtout à portée d'audition.

« Ahah ! Alors comme ça, on s'attaque aux étrangers, Maverick ?! »

Et là, la réplique fit mouche. Tout le monde se retourna : les bandits, la demoiselle en danger qui n'avait en soi pas besoin de se retourner vu qu'elle était déjà en face de lui, et même les rats qui passaient par là à ce moment. Oh, il était fier, et peut-être un peu navré pour ces figurants qui allaient passer un sale moment. Le dit Maverick cracha par terre. Lui, visiblement, n'était pas content de le voir.

« C'est pas ton territoire, trou du cul. Dégage. »

« Oh là ! Ta mère sait que tu parles comme ça ? Pour ta gouverne, la Confrérie a fait l'acquisition de la ruelle où tu te tiens actuellement il n'y a pas plus tard que... maintenant. Je vais donc te demander de prendre ta clique avec toi ou je serai contraint de te mettre des claques. »

La tournure le fit sourire tout seul. Il n'oublierait certainement pas de la noter plus tard, celle-là.

« Allez, hop hop hop, on y va. Oust ! »

On sentit la colère monter chez le gros bras. Pourtant, il ne chargea pas... il ne dégaina même pas, en fait. À la place, il se contenta de siffler. De siffler très fort.

« Guerre de territoire, les mecs ! Et oubliez pas de me dépouiller l'étrangère au passage. »

Des types sortis de nulle part se mirent à rappliquer...

Et le grand Nox lança un regard confiant à la pauvre fille.

« Retraite tactique, mademoiselle. »

Il y avait tant à dire sur cette... "apparition". Déjà, le fait que cet homme descende d'une maison, comme si c'était la chose la plus normale au monde. Puis, cette posture... Absurde ? Suivi d'une tirade étonnante qui se voulait sûrement héroïque. Et tout cela pour quoi ? Pour que cela se finisse en guerre de territoire ? Sérieusement ? Pouvait-on sérieusement considérer que cette aide en était réellement une ? Avec des amis comme celui-ci, plus besoin d'ennemis. Et le pire de cette histoire, c'est sans doute que toute cette grande intervention n'ait pour seul réel résultat... La fuite.

Partagé entre l'envie de coller son poing dans la figure du nouveau venu et celle de fuir en urgence cette situation devenu absolument ingérable, elle choisit finalement l'option la plus adaptée pour elle. Elle profita de l'attention que générait l'individu pour bousculer les assaillants qui la séparaient de son "sauveur" et le rejoindre. Car fuir, bien sûr, c'est une excellente idée. Mais elle ne connaissait absolument pas Caer Hrid et tout ce qu'elle aurait pu réussir aurait été de se coincer dans une impasse. Si seulement il n'était pas intervenu, elle n'aurait pas eu tous ces ennuis à gérer. Elle le bouscula un peu, pour le presser dans sa fuite. "Je veux bien fuir, mais il faut que vous me guidiez ! Commencez à courir, je suis sur vos talons !" Elle n'aurait sans doute aucun mal à tenir l'allure, pas elle. Et en cas de besoin, sa Résonance pouvait toujours lui sauver la mise, bien qu'elle aurait préféré éviter de l'utiliser en public. Car finalement, il suffisait d'un natif de Nebula possédant la même Résonance qu'elle pour que son petit mensonge sur son origine vole en éclat.

Il esquissa un sourire de contentement. Bien sûr qu'elle avait besoin de lui. Elle ne faisait pas exception à la règle. Ils étaient tous comme ça, dans cette ville : des incapables. Des incapables sympathiques, certes, mais des incapables quand même. Oh, il n'était pas là pour lui jeter la pierre. C'était bien normal pour eux de tourner autour de leur étoile. Il était là pour leur montrer la voie. Sur ce, il tourna les talons et détala comme jamais. Il fut d'ailleurs fort surpris que la jeune femme puisse tenir la cadence, tant sa vitesse n'avait d'égale que sa toute-puissance.

« Allez, comme à l'entraînement ! On lève les genoux ! »

Oh, bien sûr, il ne le fit pas. Ses genoux à lui étaient déjà bien assez musclés comme ça. Derrière eux, une bande de bandits armés jusqu'aux dents qui voulaient leur peau. Car oui, les malabars qui étaient arrivés n'étaient pas les siens, mais bien des renforts ennemis. Au final, la pseudo-guerre de territoire avait tourné en exécution sommaire.

Heureusement, contrairement à eux, ils étaient lents.

Nox tourna à une intersection. Il connaissait l'endroit comme sa poche, il prenait la ruelle tous les matins pour aller acheter du pain. Que fut sa surprise quand il réalisa que... en fait, non. Il avait confondu avec un autre endroit. Les deux alliés de circonstance se retrouvèrent face à un cul-de-sac, avec comme bruit de fond des sauvages qui voulaient leur manger les oreilles.

« Oups. Je me suis trompé. » Il fit une moue. Bien sûr, comme il était génial, il n'allait pas se laisser abattre juste pour ça. Il tenta de percevoir une réaction sur le visage de l'inconnue. « Non, je rigole. J'ai absolument tout prévu. » Il tendit les mains et créa l'illusion d'un faux mur. Avec ça, le carrefour n'en était plus un.

Il mima à sa camarade de se taire. Sa Résonance ne filtrant malheureusement pas les bruits, ils devaient y mettre un peu du leur.

La bande passa dans une cacophonie de grognements et d'acier, et puis le silence reprit ses droits.

Trop facile.

« Tu vois l'amie, c'est ça le secret. Tout le monde est con dans cette ville, il suffit juste d'être un peu moins con que les autres. »

La seule réponse que Selenne parvint à donner à son nouvel "ami" fut une magistrale gifle, à peine contenue. Car son insouciance et cette façon de se faire passer pour un grand sauveur -à noter que sans doute cette histoire aurait pu se terminer sans aucun problème avec un brin de négociation- l'irritait au plus haut point. "Tu as bien raison, tout le monde est con ici !" Elle ne criait pas, ne hurlait pas. Mais le ton de sa voix et son regard glacial suffisait à faire comprendre son état d'esprit. "Sérieusement, quelle idée ! J'aurais très bien pu m'en sortir seule, au pire j'aurais juste eu à dépenser plus que prévue, mais je n'aurais pas été prise pour cible !"

Malgré la colère qui l'habitait, elle devait reconnaître que cette illusion de mur était une excellente idée et une très belle création. Ce qui lui permit de commencer à se questionner sur l'identité de son nouveau camarade. Qui était-il exactement ? Au vu du procédé de création de cette illusion, il devait s'agir vraisemblablement d'une Résonance plutôt qu'une Arcane, enfin de ce qu'elle connaissait de l'usage de la magie en tout cas. Et le moins que l'on puisse en dire était que le résultat était très impressionnant, montrant une grande aisance dans cette discipline. Quant à ses paroles, un peu plus tôt... La Confrérie ? Était-il membre d'un groupuscule particulier sévissant à Caer Hrid ? Peut-être même un membre important, qui sait...

"Enfin, je ne suis pas butée au point de ne pas connaître la gratitude. Merci, je suppose." Cette gratitude semble fausse, surjouée. Juste pour se donner bonne contenance. Elle soupire un instant et dépoussière un peu ses habits avant de vérifier ses bagages. Son épée est toujours là et finalement, c'est la chose qui lui importe le plus. Mais elle s'assure que rien d'autre ne peut lui manquer, toujours pour donner le change. Une fois cela fait, elle se relève et fixe son interlocuteur. "Et à qui ai-je l'honneur, exactement ?"

« Outch ! » Il se massa la joue. Pendant un instant, il eut l'impression de se faire gronder comme un enfant. L'idée de contre-attaquer lui traversa bien l'esprit, mais il se résigna toutefois. Il savait mieux que personne que son courroux pouvait faire tomber la terre et soulever le ciel... ou l'inverse.

Et étrangement, l'inconnue passa de la violence à la politesse. Drôle de dame. Elle le remercia, et s'enquit même de son identité.

« C'est vrai, tu n'es pas d'ici. Sinon je n'aurais même pas à me présenter. » Il bomba fièrement le torse. « Je suis le populaire.. le fabuleux... le mystérieux... Robert le beau. Robert, pour les intimes. Tu peux m'appeler Rob, si ça te fait plaisir. Par contre, tu peux oublier le Bert. »

Il lui offrit un grand sourire.

« Et pour ce qui est de ces messieurs, c'est une honteuse méprise. Quand Maverick parlait de te dépouiller, il ne faisait pas uniquement référence à tes biens et à ta bourse, mais probablement aussi à tes vêtements, tes sous-vêtements, et à ta virginité, si tu l'as encore. Un véritable charmeur, celui-là. Je le connais bien. » Il croisa les bras, très fier de lui. « Il n'y a pas un combat que je gagne pas. Or, vois-tu, toutes les victoires ne résultent pas du trépas d'un parti. Ma victoire, cette fois-ci, est d'avoir sauvé tes miches. De rien. »

Jugeant qu'ils avaient assez attendu comme ça, Nox claque des doigts. L'illusion se dissipa, et l'homme écarta les bras.

« Et voilà, comme sur des r-... »

« Bouh. »

Alors que le mur disparut, les deux camarades d'infortune se retrouvèrent nez à nez avec le fameux groupe de malfrats... armés jusqu'aux dents... au nombre de vingt... et avec le charmeur à leur tête. Le chef de la Confrérie approcha discrètement sa tête de l'étrangère et lui murmura à l'oreille. « Heeem. Bien entendu, ça fait aussi parti du plan. »

Haha. Non.

« Vous allez nous suivre au quartier général sans faire d'histoires. Nox, on a des choses à se dire. Quant à toi... tu iras avec autres filles, les gars seront sûrement contents de faire connaissance avec une nouvelle. »

L'attirail d'arbalètes, hachettes et autres instruments sympathiques penchait en leur faveur.

Elle brûle de l'envie de lui dire, de lui hurler dessus. "Il n'avait même pas commencé à parler !" C'est une des phrases qu'elle a en tête actuellement. Car oui, ce prénommé Maverick n'avait même pas encore abordé le moindre sujet. Bon, bien sûr, il ne semblait pas vouloir discuter météo, c'est un fait. Mais tout de même, intervenir dans cette situation trop floue d'un point de vue extérieur. Ou peut-être Selenne est-elle trop naïve et pas assez coutumière de la vie à Caer Hrid ? Mais si c'est bien le cas, alors qu'en est-il de ce Robert qui vient juste de les plonger dans une situation plus terrible encore ?

Elle retient son poing qui avait envie de faire connaissance une nouvelle fois avec la joue si tendre de l'homme aux nombreux noms. "Bravo, vraiment." Elle hésite. Elle est totalement capable de fuir ces hommes, une téléportation et le tour serait joué. Mais elle ne peut laisser un citoyen, aussi idiot et vraisemblablement retors soit-il, livré à lui-même dans cette situation. Un déguisement, un masque lui permet de s'infiltrer dans un repaire de bandits en tout genre, mais aucun artifice ne saurait faire partir cette justice qu'elle chérit à tout prix. Elle roule des yeux et se tient droite face à son interlocuteur, ce Maverick qui semble être le chef ici. "Je ne suis pas ici pour faire la fille de joie, vos hommes devront donc se passer de moi. Comme je vous le disais avant cette... Interruption ?" Elle jette un regard plein de reproche à Ro-Nox avant de reprendre. "Je viens pour affaire. Peut-être donc suis-je bien tombé ? Je cherche un receleur pour de la marchandise... De qualité. Peut-être que vous feriez l'affaire ?" Il s'agit de gagner du temps, rien de plus. Du temps et un peu moins de garde autour d'eux.

Nox croisa les bras.

Étonnamment, et c'est assez rare pour le souligner, il ne parla pas. En fait, il resta même muet comme une tombe. Immobile, le regard dirigé vers les malfrats, il laissa le soin à l'inconnue de parlementer à sa place. Oh, il n'avait pas abandonné, loin de là. C'était sans compter sur son plan numéro deux. Une fois qu'il fut certain que ses adversaires n'allaient y voir que du feu, il créa une nouvelle illusion. Très simple, cette fois : c'était lui, dans la même posture, à côté de la jeune femme, à simplement attendre. Rien de bien compliqué. Sauf qu'il profita de cette impression de petit agneau inoffensif pour préparer son plan machiavélique...

« Pour l'instant. T'sais, y'en a quand même peu qui font ça de leur plein gré. On leur demande pas tellement leur avis. Mais si tu travailles, tu seras bien traitée. P'tet même par moi en personne, héhé. »

Le masqué réprima l'envie de balancer une réplique. Non, parce qu'avec le côté super cliché de Maverick, y'avait quand même matière à balancer des trucs marrants. Néanmoins, il parvint à se faire violence. Il se concentra sur son sort de feu, touuut doucement, tout discrètement, aussi. Pour le coup, c'était pas souvent qu'il était aussi sage. Généralement, c'était quand il risquait sa peau.

« T'es quelle genre de marchande pour venir à Caer Hrid sans gardes du corps, toi ? Ouah, t'es pas futée. Notre marchandise à nous, c'est les putes. Hé, c'est ironique ça. Tu vas trouver ce que tu veux. Pis quant à l'autre clown là... »

Il leva le bras.

« J'serais bien d'avis de le clouer au sol. Depuis l'temps que j'en rêve. » Il dévisagea son meilleur arbalétrier, posté à sa gauche. « Vas-y. »

Et le gaillard tira. Le carreau alla transpercer la jambe de Nox... enfin, de l'image de Nox. Bref, l'illusion se dissipa, et encore une fois, le chef se retrouva bien embêté. Il regarda l'assemblée pantoise avec un grand sourire, et lança sans attendre son sort de feu... en l'air.

Tout le monde se baissa, sauf lui. Et peut-être l'inconnue.

Il clama, haut et fort.

« Hé, vous ne pensiez quand même pas m'avoir acculé, moi ?! Oh, Maverick, ta stupidité n'a d'égale que ton amour malsain pour le sexe féminin, et sache que je ne puis plus tolérer ta présence nauséabonde dans ma ville. Tes exactions cessent ici et maintenant ! » Écartant les bras, il reprit, cette fois s'adressant à la jeune femme. « Et mademoiselle, sache que je suis trèèèès déçu ! Si tu as besoin d'un receleur, c'est à moi qu'il faut s'adresser, pas à ce bandit de grand chemin. »

« Euh, on m'explique, là ? Tu nous a raté à dix mètres, débile. »

« Ce n'est pas vous que je visais, débile toi-même. »

« Mécréants. Il est l'heure de payer pour vos crimes. » S'écria Albert en pleine course.

Ils avaient bel et bien vu le signal.

« Moi, Marie-Charlotte de la Comète, troisième du nom, gardienne des astres et destructrice de mondes, vais envoyer ces abrutis dans l'Oblivion. »

« Chef, il a ramené ses tarés ! »

Voyant une bonne tripotée de guerriers émérites et une magie d'explosion en pleine canalisation, Maverick dut prendre une décision. Une décision difficile.

« Fuiiiite ! »

Nox posa ses mains sur ses hanches, l'air fort satisfait. « Lâches ! Vous pouvez fuir, mais pas vous cacher. Vous ne passerez pas la n-... » Il fut pris d'une toux violente. Un sacré rhume. « La nuit ! » Il se retourna vers Albert. « La première partie n'était pas prévue, mais on continue d'agir selon le plan. Je vous retrouve à leur quartier général. »

Elle est tombé sur un proxénète. Charmant, vraiment. Décidément, rien ne va dans cette ville. Et dire que normalement, c'est une zone sous la juridiction de Nebula... Peut-être qu'elle devrait aborder ce point avec la Reine lors de la prochaine missive qu'elle doit lui adresser ? Elle veut lui faire ravaler son arrogance à ce Maverick, mais la présence du civil complique tout... Elle aurait pu frapper et disparaître pour se mettre à l'abri des tirs d'arbalètes sont trop de souci. Et tandis que Selenne réfléchit à comment faire pour se sortir de ce guêpier, voilà qu'ils perdent patience et tirent sur Nox. Un carreau qui, plutôt que de transpercer la chair, ne mord que le vide laissé à la place de l'illusion. Encore une illusion... Il est plein de ressources. Vraiment. Mais Selenne refuse de prendre plus de risque pour l'instant et à la seconde même où elle voit le sort flamboyant partir dans les cieux, captant l'attention de tous, profite de cette distraction pour se décaler de l'angle de tir des bandits, trop absorbé pour remarquer que la jeune femme agrippait fermement son arme, prête à agir en cas de besoin.

La suite des évènements... A vrai dire, elle ne s'attendait pas à cela. Pour elle, l'attaque de feu n'était que le début d'une suite d'Arcanes redoutables pour défaire le groupe d'agresseur, mais au lieu de cela s'ensuivit un énième monologue du mage aux airs de phénomène de foire. Un gain de temps efficace car des renforts surgirent rapidement dans l'allée. Donc, il ne ment pas, il est bien un receleur. Finalement, elle s'est peut-être attiré bien plus d'ennuis que ce qu'elle prévoyait. Mais la rancune qu'elle éprouve pour l'instant est un peu plus forte que cela encore. La rancœur envers cet homme qui voulait faire d'elle une catin de bas étage. Alors elle décide de laisser faire la cavalerie et à l'aide de sa Résonance, elle se téléporte plus loin, sur le un muret un peu en hauteur, de sorte à pouvoir voir et intercepter les malfaiteurs. Et tandis qu'ils fuient dans une grâce peu remarquable, elle repère le Maverick en question. Parfait. Elle se téléporte un peu devant lui et l'assomme d'un grand coup de fourreau en travers du visage. Un geste déjà très satisfaisant en fin de compte.

Elle lui attache les poignets avec de la corde et traîne l'homme avec elle jusqu'au lieu du "combat" où elle retrouve Nox et les deux individus dont elle n'a pas réellement écouté les noms. Bah, peu importe, ils sont des malfaiteurs eux aussi, après tout. "Je vais peut-être vous épargner un peu de travail je pense." Selenne s'approche d'eux, son paquet traînant derrière elle. Elle ne semble pas avoir trop de problème à le trimbaler de la sorte avec elle. Le faciès de la jeune femme est froid, impassible. Elle n'oublie pas qu'elle n'est sans doute toujours pas vraiment sortie d'affaire, encore moins avec ce qu'elle vient d'accomplir. Mais elle désire éviter toute effusion de sang inutile provoqué par une guerre de pouvoir, du moins tant qu'elle peut être là pour l'empêcher. Et tant pis pour sa couverture s'il le faut. "Cet homme doit être jugé pour ces actes. Et qui sait, il pourrait vous dévoiler d'autres informations intéressantes." Pourvu que ce soit suffisant pour calmer les ardeurs.

Et paf ! Un Maverick livré, un. Nox fronça les sourcils, lui qui pensait acculer le rat dans son trou. C'était pas si mal comme ça. Il regarda le déchet se faire traîner comme tel avec une admiration non-dissimulée, avant de prendre la parole à son tour.

« Bien joué, bien joué. Mais il en faudra plus pour me séduire. Des hommes attachés, on m'en balance aux pieds tous les matins. » Il bomba le torse, toujours fier, toujours stupide. « Il sera jugé, ça c'est sûr. Dès qu'il aura balancé les informations qu'il me manque. Et puis après, couic ! Plus de boules. Ou plus de langue ? M'ouais. J'ai pas envie de choisir, c'est dégoûtant. Je laisserai ses victimes s'en occuper. »

Nox haussa les épaules. Il aurait bien ce qu'il méritait.

« Tiens. Comme tu es douée, je veux bien te laisser travailler pour moi. Que pour cette mission, ne t'emballe pas. Mais c'est tellement insolite les gens qui ne se téléportent pas dans les murs, ça me plait. J'aurais bien besoin de tous les larb-... de toute l'aide possible pour démanteler son réseau. Je peux même te faire un topo, si tu veux. Peut-être que ça t'aidera à te décider. » Il croisa les bras. Albert et Marie-Charlotte partirent discrètement alors qu'il entamait son long monologue. « Ce que font Maverick et ses associés, c'est un peu différent de la prostitution. Certes, ils ont des catins, bien sûr, mais leur truc à eux, c'est de kidnapper les femmes de la ville, ou encore les étrangères, pour les droguer et les prêter à leurs clients. Classieux, hein ? Ce qui me fait penser que pour être venue seule ici, tu es soit stupide, soit incroyablement confiante en tes capacités... et donc un peu louche. Je pencherais plutôt pour la deuxième. Enfin bref, le plan du jour, qui a sensiblement changé avec ton apparition, c'était de mettre leur quartier général en échec, de libérer toutes les pauvres femmes qui doivent tapiner, et de détruire leur organisation pour de bon. Tout ça avec style, bien entendu. »

Et avec ça, il récupérait entre autres du butin et des entrepôts. C'était beau, la justice.

« Qu'est-ce que tu en dis ? Tu ne veux pas sauver ces pauvres innocentes avec moi ? »

Donc, il fait bien pire qu'un simple réseau de prostitution... La haine que Selenne éprouve pour cet homme est de plus en plus intense. Mais son sens de la justice est encore trop fort, bien trop fort pour qu'elle le laisse se faire sectionner, dans le seul but de faire régner un peu plus la terreur dans Caer Hrid. Elle
observe Robert le Nox, ou Nox le Robert, le laisse débiter son grand flot de parole qu'elle devine, désormais, être son lot quotidien. Une fois fini, elle range son épée dans son fourreau et s'asseoit sur la carcasse du captif encore un peu dans les vapes pour l'instant. "Première chose. Je ne suis pas un larbin." Elle ne s'attendait même pas à dire cela. Est-ce le fait de fréquenter trop longtemps Nox qui commencerait à la changer ? Elle préfère ne même pas y songer.

"Ensuite, plusieurs choses me dérangent dans ce grand plan." Elle lève l'index, pour souligner qu'elle aborde désormais le premier point de sa petite synthèse. "Je ne suis pas venue ici pour me retrouver mêlée à une guerre de territoire ou tout autre chose du même genre. L'idée de sauver ces pauvres jeunes filles me plaît, mais que comptes-tu en faire exactement ?" Après tout, il est un malfaiteur également, aussi charitable tente-t-il de se faire passer. Qui sait quels sombres desseins il prévoit pour ces filles ? "Ensuite, concernant... ce truc, là." Elle donne un coup de pied à son fauteuil de fortune pour souligner son propos. "Aussi ignoble soit-il, il mérite un jugement. Et je doute que tu sois le plus grand représentant de la loi dans cette ville. Il faut donc le conduire en prison en attente de mieux." Elle est naïve, si naïve. Selenne reste persuadé que malgré toute la souillure de cette ville, l'ordre existe encore, quelque part. Il ne faut pas lui en vouloir, ce n'est jamais que sa première visite.

« Ouah... » Il mima une mine admirative. « C'est beau ce que tu dis. »

Elle ne semblait pas au fait de l'endroit où elle avait mis les pieds. S'il avait subsisté un semblant d'ordre ici, Nox n'aurait pas eu besoin d'exister. Il aurait été comme tous les autres : un simple criminel. En fait, c'était cette place toute désignée qui faisait de lui quelqu'un d'incroyable.

« Il n'y a pas de loi, à Caer Hrid. Juste une justice qui n'existe qu'au travers des personnes qui daignent bien l'exercer. Maverick possède une Résonance très pratique pour kidnapper les jeunes femmes, et Maverick ne compte probablement pas s'arrêter après avoir été assommé et capturé. Je ne parle pas de l’exécuter, mais de l'empêcher de sévir. »

Nox trépigna. Oui, il brûlait d'impatience, mais ne pouvait pas non plus faire l'impasse sur les explications. Il fallait toujours tout leur apprendre, à ces étrangers. Il songeait d'ailleurs à faire copier des prospectus, ou encore à engager des crieurs pour vendre ses réflexions si profondes.

« Boooon, d'accord ! On a pas le temps. Tu sais quoi, j'ai une idée : vu que tu crois ne pas être un larbin... » Il marmonna. Il fallait bien appeler un chat un chat, quand même. « Je te laisse le saint pouvoir de la décision sur ses captives, tandis que moi, je m'occupe de notre ami. C'est équitable, n'est-ce pas ? L'offre est à durée limitée, par contre. »

Elle retient un soupir las. Alors, il n'y a donc aucune forme d'ordre ici, à tel point que ce voyou se voyait comme une forme de justicier ici. Si seulement la Reine autorisait une opération de grande envergure ici... Elle observe son interlocuteur un instant, pesant le pour et le contre de sa proposition. En effet, sauver les filles est une option plus qu'alléchante. Et s'il se voit comme une forme d'ordre dans cette ville, il y a de fortes chances qu'il respecte ses engagements. Elle ne risquait rien pour le moment à valider cet accord. Qui sait, l'occasion se présenterait peut-être de récupérer en plus Maverick. Elle fit mine d'ignorer la petite remarque sur les larbins et se leva tout en s'approchant de Nox. "C'est d'accord, Nox. J'accepte ton offre. Tiens parole, et Maverick sera tout à toi." Elle tend la main à son partenaire de fortune avec fermeté, avant de retourner près de Maverick et de le ligoter solidement à une barrière de métal vers le fond du cul-de-sac. Voilà, il ne devrait pas bouger pour un moment.

Elle retourne ensuite près de l'homme qui va lui donner de plus amples instructions. Car elle vient tout de même d'accepter une espèce de mission dans une zone qu'elle ne connait absolument pas, des conditions inconnues et tant d'autres choses encore. Sans oublier qu'elle ne doit absolument pas griller sa couverture. Voilà qui en fait, des soucis à gérer. Étonnamment, elle ne le sent pas du tout, cette histoire. "Et maintenant, que doit-on faire ? Je ne connais rien à ce qu'il se déroule par ici, donc excuse-moi, mais tu vas devoir expliquer en détail toutes les informations que tu détiens." Merde. Juste ça, cette façon de parler, c'est tellement militaire. Bravo Selenne, comme couverture, on peut pas faire mieux. "Enfin, je suppose que tu dois connaître l'endroit où ils détiennent les filles, non ?" Pas sûr que ça aide à sauver les apparences. Il faut qu'elle prie désormais, qu'elle prie qu'il la prenne pour tout autre chose que ce qu'elle est.

Qu'est-ce qu'il aimait ça, les plans sans accrocs.

Il était bon, quand même. Sacrément bon.

« À vos ordres ! » Nox mima un joli garde-à-vous. Tout sourire, il se mit à marcher sur les pas des fuyards. « Tout ? Tout, ça risque d'être gênant. Je vais te donner le nécessaire, déjà. Alors, pour commencer, euh... en gros il y a un bâtiment. Tu visualises un bâtiment, ça y est ? » Il représenta une bâtisse rectangulaire avec ses deux mains. « Le bâtiment est sur deux étages. Le premier, c'est leurs quartiers. Je n'ai pas besoin de te faire un dessin, il y a là-dedans toutes les choses relatives à la vie commune. Le deuxième, par contre, est composé de chambres et de grandes salles closes. »

L'homme grelotta. « Berk... j'imagine même pas quel genre d'orgies qu'ils ont dû faire là-dedans. »

Il tourna à une ruelle. Ils ne devaient plus être très loin.

« Notre avantage, c'est que Maverick est un gros connard misogyne. Il n'engage pas de femmes. De ce fait, les femmes que nous rencontrerons à l'intérieur seront soit des prostituées, soit des droguées. Et donc, pas de soucis pour distinguer sur qui il faut taper. » Il regarda un instant son associée. « Les hommes, hein. Tu attaques les hommes. »

Oui, il savait bien qu'elle avait compris...

...mais c'était tellement marrant de la taquiner.

« Ah oui, juste. Ceux qui ont un brassard, ce sont les miens. Surtout pas touche. Tiens, d'ailleurs... » Il fouille dans sa veste. « J'en ai un spécialement pour toi. Ça serait dommage que je te carbonise sans faire exprès. Moi, je me repère au brassard, alors... »

Et là, paf. Une explosion survint. Pas une petite explosion, hein.

UNE BONNE GROSSE EXPLOSION.

Donc, Marie-Charlotte.

« Ah bah, ils m'ont pas attendu. Je les hais. T'as tout compris ? Tu vas me suivre au deuxième étage. C'est moi le héros de l'histoire, alors c'est moi qui sauve les demoiselles en détresse. N'hésite pas à éliminer ceux qui veulent t'éliminer, car c'est... le principe de l'élimination, j'imagine. Allez... trois, deux, un, partez ! »

L'entrée du bâtiment était droit devant. L'aile ouest du premier étage fumait, des bandits se battaient contre d'autres bandits, des cadavres jonchaient le sol...

Bref, un après-midi normal à Caer Hrid.

Elle écoute l'ébauche de plan et n'en crois pas ses... Oreilles ? Il connaissait à peine le lieu de l'assaut finalement ? Et ses railleries à peine supportable l'irritent au plus haut point... Elle force un sourire, à peine crispé. Non, bien sûr, elle va tuer toutes les femmes sans défense, c'est évident. La façon dont il parvient à la mettre hors d'elle est encore inconnue de Selenne. Jamais personne ne l'avait mis dans un tel état, elle qui se vantait pourtant d'être capable de conserver son calme en presque toutes circonstances, c'était un exploit. Elle observe le brassard que Nox lui tend et le met dans sa poche. Ce brassard... Sur sa tenue... Cela lui déplaisait pas mal, en fait. Et puis... "Je n'ai pas besoin de brassard. Tu l'as dit toi-même, non ? Les seules cibles sont les hommes, pas les femmes. Tu ne devrais pas avoir de mal à me différencier." Elle lui fait un sourire en coin narquois avant de se retourner au bruit de l'explosion. Sérieusement ?

"D'accord, l'étage donc." Elle suit Nox sans ciller et pénètre dans le bâtiment. Rien que l'entrée la rempli d'effroi. Le pire, ce ne sont pas les cadavres, la violence des combats, l'horreur de l'odeur de mort et de drogues qui remplissaient la pièce, non. C'est la façon dont tout ceci ne semblait choquer qu'elle. Était-ce donc la normalité à Caer Hrid ? Cette vision d'horreur faisait-elle partie du quotidien ? Elle est peut-être soldate, mais imaginer sa ville, la belle Boeria, subir continuellement ce genre de violence la figea quelques instants. Des instants précieux durant lesquels Nox a disparu. Merde, une erreur digne d'une débutante. Elle n'a pas trop le temps de réfléchir qu'une lame manque de s'abattre sur elle, elle l'esquive de justesse et donne un coup en réponse, un coup qui frappe l'adversaire à l'épaule, une entaille légère. Au vu de sa carrure, ça ne devrait pas le gêner plus que cela, en réalité. Alors elle se met en position, le laisse approcher, la rage au cœur, et pare avant de donner une nouvelle frappe, plus précise. Une esquive sur le côté, un coup de pied sur le flanc et son ennemi est au sol, immobilisé pour quelques précieuses secondes durant lesquelles elle part et se met à la recherche des escaliers. Elle doit rejoindre Nox, vite.

Elle avait refusé son brassard. Existait-il seulement pire affront ?

Mû par ses obligations, il décida de remettre sa vengeance à plus tard. L'étrangère paierait sûrement, mais il y avait, sur l'instant, plus important à faire. Oh, il n'oublierait pas. Nox n'oubliait jamais. Il trouverait bien une punition à la hauteur de l'insulte.

Une fois qu'il fut sûr qu'elle avait bien compris ce qu'il attendait d'elle, l'homme s'engouffra dans le repère. Il passa instantanément en mode de combat létal, avec une bonne dose de concentration. C'était le minimum pour ne pas se faire tuer bêtement. Nox se pinça le nez et enjamba les cadavres, tentant tant bien que mal de focaliser son attention sur la route, et pas sur la marée de macchabée qui tapissait les lieux.

Il monta les escaliers, et se dirigea vers les chambres du haut en laissant le soin à ses larbins de s'occuper des ennemis qui lui barraient le passage.

Finalement, il arriva à une porte. Il l'enfonça.

À l'étage d'en-dessous, du côté de Selenne...

Une hachette tournoya en direction du dos de la jeune femme. Son bruit suraigu s'intensifia tandis qu'elle fendait l'air, mais alors qu'elle s'approchait dangereusement, une arme de jet vint la percuter et la fit dévier de sa trajectoire. La hache retomba lourdement au sol. L'auteur du lancer, le bandit qui avait projeté au sol il y avait quelques secondes de cela, étouffa un hoquet de terreur. Il n'eut même pas le temps de se relever qu'un couteau vint s'enfoncer dans son œil. Il s'affala au sol, inerte.

« Hey salut ! C'est toi la nouvelle ?! » Une adolescente approcha, faisant tournoyer un couteau autour de son index. Son sourire contrastait avec le bain de sang qui se déroulait au même moment. « Moi c'est Theresia, je suis super contente de te rencontrer ! Désolée pour ta proie, hein. Je voulais pas que tu sois blessée ! » Elle profita du moment d'inattention d'un hors-la-loi à proximité pour envoyer une dague de jet lui perforer la nuque. « Ils sont pas très malins, mais ils sont résistants ces bouffons ! Mais pourquoi tu es pas avec Nox, d'ailleurs ? Me dis pas qu'il est mort ? »

"Nox, mort ? Je ne pense pas, il me semble être fait de la même espèce que ces cafards qui résistent à tout." Une première sympathie d'échangé avec une soldate de ce même cafard, bien comme première impression. Mais Selenne a un peu de mal à dire autre chose, en réalité. Son adversaire était neutralisée pour l'instant et surtout, elle ne s'était senti en danger à aucun moment, alors pourquoi ? Pourquoi l'abattre ? Elle l'avait entendu, cette arme qui fusait dans sa direction. Elle comptait juste se téléporter, peut être assommer le brigand avant de continuer, mais pas... L'exécuter d'une façon si ignoble. Selenne aime se battre car elle voit en cette pratique une forme d'art. Et ça, c'était tout sauf ce qu'elle aimait dans l'affrontement. Car bien qu'elle avait déjà tué, la générale des Clairvoyants faisait son possible pour ne pas faire mourir ses adversaires lorsque c'était envisageable. Elle n'en eut pas de haut le cœur, trop enivrée par l'adrénaline de la bataille, mais elle éprouvait un certain dégoût à ce qui venait de se produire. Car même s'il fallait le tuer, n'était-il pas possible de s'y prendre plus... Dignement ? Quand bien même on pourrait trouver de la dignité dans la mort. "Merci pour le coup de main. Moi c'est Krile, et non, je ne suis pas la "nouvelle", juste une aide provisoire." Elle garde sa lame à la main et s'avance vers Théresia, dont la jeunesse et la cruauté réunie lui assurait une vie sûrement remplie d'une noirceur et d'un désespoir certain. C'était donc ça, l'avenir de Caer Hrid ?

"Je l'ai perdu de vue il y a quelques instants... C'est qu'il est rapide, le fourbe. Je devais aller à l'étage avec lui, donc je ne m'attarde pas trop, désolé. Attention à ne pas mourir." Cette phrase, anodine, c'est la phrase qu'elle sort à chacun de ses soldats lorsqu'ils partent en mission. Une naïveté touchante, bien qu'elle sache pertinemment que certains mourront. Pire encore, elle a tendance à deviner lesquels ne reviendront jamais et cela la rempli d'effroi, jour après jour. Car elle arrive maintenant à s'imaginer ses camarades morts sans que cela ne la choque plus que cela. Est-ce le prix à payer pour sa réussite ? Elle ne s'attarde pas plus sur ses sombres pensées et s'élance à toute vitesse vers les escaliers qui la conduirait à Nox. Elle les dévale quatre à quatre, fait tomber de la rambarde un bandit qui voulait lui couper la route d'un coup de pommeau dans la tempe et continue. Une fois à l'étage, elle s'arrête un instant et observe les environs. Des combats, des cadavres. Et une porte, défoncée sans aucun cadavre aux alentours. "Il devrait se trouver là" Elle se précipite, l'arme à la main, prête à intervenir comme à se téléporter si elle débarque au mauvais moment. Courage, Nox.

Selenne passa la porte.

Elle entra dans une grande salle rectangulaire. Celle-ci était ouverte, et s'étendait au moins sur la moitié de l'étage. Pourtant, une odeur de brûlé vint rapidement lui saisir le nez. Si une novice eût aisément confondu sa provenance, l'expérience de la générale ne pouvait pas la tromper : c'était sans aucun doute l'émanation de corps carbonisés.

Au centre de la salle, elle pouvait apercevoir Nox. Il se tenait debout, immobile. Il n'y avait quasiment pas un bruit, sinon les sanglots hasardeux d'un attroupement de femmes cachées derrière un gros pilier de bois. Autour de lui, une multitude de cadavres, quasiment réduits à l'état de cendres, des vêtements dispersés ici et là, et pas une seule goutte de sang. Une fumée noirâtre se déplaçait au plafond, comme si elle voulait elle-même s'échapper de ce purgatoire.

Nox ne broncha pas à l'arrivée de Selenne. Mais très vite, d'autres bruits de pas se firent entendre. Theresia débarqua, le visage rouge, haletante. Elle se figea aux côtés de la générale, avant de se précipiter vers son patron. Elle l'enlaça, larmoyante, et lui murmura un remerciement quasi inaudible. L'homme glissa sa main dans les cheveux de l'adolescente, se voulant réconfortant, et lui accorda un sourire faux. Si elle ne fut pas dupe, elle lui sourit toutefois en retour.

« Allons, la mission est loin d'être terminée. Il faut faire évacuer les femmes de ce bâtiment. Et une fois que ce sera fait... » Il savait bien ce qu'ils feraient. Nox tourna les talons, il dévisagea sa nouvelle alliée. « Notre accord, camarade. Tu dois protéger ces femmes, elles n'ont aucune idée de ce qui leur arrive. Les derniers renforts vont bientôt arriver, c'est le moment où jamais de quitter les lieux. Theresia, où est-ce qu'on en est avec les prostituées ? »

« Billy a fini de fouiller les chambres. On peut y aller, patron. »

« Alors pas de temps à perdre. »

Nox se permit un dernier regard on ne peut plus douloureux vers ces femmes qui se trouvaient terrifiées et désorientées. Elles étaient totalement nues, couvertes d'hématomes, et parfois même d'entailles plus ou moins cicatrisées. Parmi elles, des femmes d'âge mûr, mais aussi des adolescentes, et quelques enfants. L'homme eut un relent de dégoût. Pourtant, il n'y avait plus rien à faire de plus...

...sinon massacrer les monstres jusqu'au dernier.

La scène qui se déroule sous ses yeux la gêne un peu. Elle n'a pas vraiment à se retrouver là, entre ces deux individus à l'histoire qui semble lourde, sombre et froide... Qui sait ce qu'ils ont bien pu vivre ? Selenne ne se pose même pas la question, car en réalité elle imagine largement, au vu de la réaction de Theresia, du lieu dans lequel ils se trouvent, de ce qu'elle a pu vivre. Nox est-il réellement le sauveur de Caer Hrid ?

Elle ne veut même pas songer à cette éventualité, c'est hors de question. Elle resserre le poing sur le manche de son arme et focalise son attention sur les alentours. Les corps. La soldate les observe plus en détail, remarquant qu'ils n'ont plus rien de cadavres, en tout cas des cadavres qu'elle à l'habitude de côtoyer. L'odeur de chair carbonisé, elle la sentait sur les champs de batailles, lorsque les foudres de la guerre retombe et que l'on se débarrasse des corps ennemis. Là, c'était... Assez extrême. Et c'est seul qu'il a fait cela ? Il est donc bien plus puissant que ce que son air de clown laisse présager. Elle déglutit et l'observe. Selenne doit être vigilante avec lui.

Elle entend ce qu'il dit mais ne réponds pas de suite, elle profite de l'absence de cette tension dramatique pour enfin bouger et se diriger vers les femmes. Enfants, adolescentes, mères de famille... Aucune n'avait su quitter ce piège, cette antre de la bête. La soldate rengaine son arme et s'accroupit délicatement vers les jeunes femmes. Elle murmure à leur attention, pour ne pas trop hausser le ton de sa voix. Elle sait qu'elle doit se montrer douce et paisible, pour gagner leurs confiances, pour les convaincre de venir avec elle. Mais dans cet état, le trajet jusqu'à Boeria lui semblait compliqué... Le marais rendait le chemin le plus rapide impraticable pour elles, et traverser les frontières pouvaient s'avérer dangereux.

"Je m'en charge. Mais dis moi, Nox. Quelle est la suite, exactement ?" Elle se redresse en même temps qu'elle lui parle et se tourne pour être face à lui. Elle sait qu'ils sont odieux, elle le voit aux lueurs de terreurs qui glacent ces femmes jusqu'à leurs âmes. Mais malgré cela, elle ne peut laisser une justice aveugle régner ici. "Tuez les membres de ce groupuscule ne réglera rien. Cela n'empêchera pas d'autres femmes de souffrir. Il faut que vous puissiez rétablir le dialogue avec votre pays." Elle en est sûre désormais, Caer Hrid doit être sauvé. Elle sait pertinemment qu'on ne l'autorisera jamais à mener pareille campagne mais cette vérité, elle l'écarte de ses pensées. Non, là, elle ne fait qu'idéaliser, pour elle comme pour ces femmes maltraitées. "Ces hommes, malgré leurs apparences de monstres." Elle désigne un des cadavres cuit non loin d'eux. "Que feras-tu s'ils ont une famille ? Comment pourras-tu protéger leurs femmes et leurs enfants à la place de ces pères de famille ? De ces maris ? Ils risquent juste de finir comme ces pauvres filles ici." Elle est calme, imperturbable. Elle ne s'énerve pas, elle ne laisse pas transparaître d'émotions non plus. Non, elle connait la chanson, elle sait qu'elle doit être froide, un peu distante, cela permettra à la froide réalité de se montrer, plus dure et nue encore. "Sauf si..." Elle ne dit rien de plus. Car elle ne veut pas aborder l'éventualité qui lui a traversé l'esprit. En effet, tuer toutes les familles de tous les soldats de Maverick réglerait le souci de leurs proches qui attendent leurs retours, qui ont besoin de leurs protections. Et elle ignore si Nox en serait capable ou non. Elle l'ignore ou elle refuse de le savoir.

Si Theresia aurait bien eu son mot à dire sur le sujet, Nox lui intima plutôt d'ouvrir la marche. Il ne souhaitait pas perdre de temps, et préféra se diriger vers la sortie sans plus attendre. Il décida néanmoins d'apporter une réponse aux interrogations de sa camarade. Enjambant les cadavres décharnés, tant bien ceux de ses ennemis que de ses alliés, le magicien prit la parole.

« Quel pays ? » Il marqua une pause. « Tiens, je vais te faire une confidence : je ne suis pas d'ici. Pourtant, il ne m'a pas fallu plusieurs années pour comprendre que le peuple de Caer n'avait plus aucune attache avec sa patrie d'origine. En fait, tu pourrais même le considérer comme une culture à part. Je ne sais pas si c'est à cause du miasme, si c'est parce que Nebula a peu d'intérêt pour cette place, ou encore si c'est à cause de ces gens qui ont dévié du droit chemin, et je m'en fiche. C'est juste un fait. »

Il esquissa un sourire. « Si tu veux mon avis, la meilleure chose qui pourrait arriver à cet endroit, ça serait de s'émanciper du fantôme de Nebula. Il faut bien commencer quelque part, non ? C'est mieux que d'attendre passivement qu'on vienne nous sauver. » Il la dévisagea. « Toi, tu m'as l'air forte. Pour être honnête, je pense même que tu caches beaucoup de choses. Mais tu ressembles aussi à un oiseau en cage, sans l'ambition d'en sortir. C'est sûrement pour ça que tu me sous-estime. »

Ils parvinrent à la sortie. Ses troupes s'étaient rassemblées, et les tintements de métal annonçaient l'arrivée de la dernière vague de bandits.

« Je ne suis pas idiot. Tout le monde a une famille. Tous les actes ont des conséquences. Et le mal, le mal véritable, lui, il prolifère toujours, si personne ne daigne l'en empêcher. Ce lieu est semblable à une hydre : on a beau couper une tête, une autre repousse, et c'est interminable. Mais ça ne veut pas dire pour autant qu'il faut abandonner et laisser la besogne à d'autres. Tu l'as compris : je suis quelqu'un d'incroyable. J'ai les épaules suffisamment solides pour supporter toute la misère de ce taudis. Je dirais même que je suis la seule personne capable de mettre les mains dans la fange pour nettoyer le bassin. Quand j'aurai fini, l'amie, il n'y aura plus de têtes à couper, car j'aurai éventré le corps, et je l'aurai enterré pour de bon. »

Il sourit finalement. « Les choses changent, et Caer Hrid ne restera pas indéfiniment le repère du mal. »

Les membres de la Confrérie, répondant au discours du chef, levèrent le poing à l'unisson. Ils étaient tous d'origines différentes, mais ils visaient le même objectif : réaliser l'idéal de Nox. Ils étaient prêts à tout pour y parvenir. Le processus ne serait pas simple, mais il ne l'avait jamais vraiment été. Le magicien lui-même n'avait pas choisi d'endosser ce rôle, mais aujourd'hui, il ne voyait personne d'autre pour tenter d'équilibrer tout ce chaos.

Il fallait que ça soit fait.

Selenne écoute. Attentivement. L'air grave. Son regard froid, sans émotion, ne trahit aucune de ses pensées. Et à vrai dire, elle ne pense rien. Car elle entend le raisonnement, les arguments de Nox. Mais elle ne peut pas les approuver, quand bien même ils peuvent être vrai. Car oui, Nebula ne s'occupe guère de Caer Hrid. Cela lui fait mal au cœur de le reconnaître et elle est la première à espérer que les choses puissent évoluer. Mais malgré les nombreuses demandes faites en ce sens, malgré les nombreuses fois où elle a proposé d'envoyer les Clairvoyants à Caer Hrid et de renouer le lien entre cette ville et Nebula, la Reine a toujours refusé. Trop de risques, disait-elle. Mais si le problème était que la présence de cette ville permettait au reste du pays de prospérer sans trop accentuer la criminalité ? Elle ne veut pas songer à cela, elle refuse d'imaginer que son pays, aux principes d'équités si justes, puissent reposer sur une telle hypocrisie.

"Je ne te sous-estime pas, Nox. Simplement, je constate que tu te nourris d'illusion. Tu espères changer les choses à toi seul ? Tu penses libérer cette ville du mal qui la ronge ? Mais ce faisant, tu deviens souillé, toi aussi. Tu auras enterré le corps de l'hydre, empêchant ses têtes de repousser. Mais un nouveau monstre arpentera les rues de Caer Hrid et fera régner sa loi. Et où se trouvera l'équité et la justice ? La fange dont tu penses te débarrasser développe une autre malice et un jour, quelqu'un qui ne supportera plus ce que tu apportes à cet endroit, une personne qui réagira de la même façon que toi actuellement, se battra contre toi. Ce sera un cercle sans fin." Elle parle, fait ce petit discours avec une voix plus basse. Peut-être qu'ici, elle ne veut pas qu'on l'entende. Peut-être qu'elle ne veut pas détruire cette solidarité parmi les hommes de Nox. Peut-être même que ce dernier ne l'entend pas, mais elle doit le dire, exprimer son point de vue. Car en agissant de la sorte, il mourra un jour, de la main d'un nouveau justicier qui n'appréciera pas sa façon de régner. Elle sait que ses paroles sont d'une naïveté effarante, mais Selenne en est sûr, il faut un semblant d'ordre pour que le monde fonctionne de la meilleure des façons. De l'ordre et une justice, pas simplement des convictions personnelles partagés par aucune autre personne.

Mais l'heure n'est plus à la philosophie. Elle dégaine sa lame et se prépare à se battre, pour survivre et peut-être quelque chose de plus. Au fond d'elle, elle espère que ce magicien, ce clown macabre sorti tout droit du plus sordide des cirques puissent survivre. Car dans sa folie, il ne cherche finalement qu'à aider cette ville, tout comme elle. Son combat ne doit pas se terminer ici. Il doit voir que son cheminement est le mauvais et c'est elle, Selenne, qui le lui montrera. Elle se prépare et lorsque les bandits apparaissent devant eux, elle se téléporte juste devant l'un d'entre eux, en première ligne. Pris par surprise, il n'a pas le temps de parer sa lame qui le transperce l'abdomen. Et avant que les autres ne puissent réagir et l'attaquer, la voilà revenu à son point de départ. Un petit jeu qu'elle ne doit pas trop prolonger, mais qui peut diminuer le moral des autres criminels. Elle est prête.

Hey ! Se nourrir d'illusion, les illusions, sa résonance... trop marrant. Il pouffa.

« Pardon. » De fausses excuses, un sourire narquois au coin de la bouche. Quel enfant.

Elle pouvait bien dire ce qu'elle voulait. À trop vivre dans le passé ou dans le futur, on finissait par perdre le présent. Nox haussa les épaules, ce n'était pas la première fois qu'on tentait de le raisonner. Probablement pas la dernière fois non plus. Son ambition n'était pas à la portée du commun des mortels.

« Ça, Jacqueline, seul le temps nous le dira. »

Oooh, le joli libre arbitre ! C'était bien, de ne pas boire ses paroles. Il ne pouvait qu'apprécier. En un clin d’œil, l'inconnue se téléporta et sonna le glas d'un des hors-la-loi. Bah ! Pour une tendre, elle ne faisait pas dans la dentelle. Nox ne manqua pas de noter ce style très scolaire qu'il avait, bien entendu, déjà vu quelque part. Il plissa les yeux, mais jugeant que ce n'était pas tellement le moment de philosopher sur les arts martiaux, il sonna plutôt l'attaque.

Il était revigoré. L'épisode drama était terminé.

« En avant, mes amis ! Et pas d'éclaboussures, j'ai fait blanchir ce costume il y a pas plus tard qu'hier. »

Et le pouvoir de l'amitié chargea. Sorts de feu, de glace, flèches, couteaux volants et coups d'épées. Certes, les deux factions jouaient au même jeu, mais pas au même niveau. Les effectifs étaient équilibrés, mais la balance penchait largement en faveur de la Confrérie. Pourquoi ? Parce que les lieutenants de Nox étaient de sacrés génies. Albert se baladait littéralement entre les troupes adverses en tranchant des têtes, c'était beau à voir... quoi qu'un peu dégoûtant.

Le patron, lui, resta en arrière pour donner les ordres. Il fallait bien qu'il veille sur ses marmots.

« Marie-Charlotte, c'est à toi de briller ! »

Plus personne dans le bâtiment. L'endroit était bon à rien, sinon à remémorer des mauvais souvenirs. Or, il ne ferait même pas un bon entrepôt. Cela étant, il avait besoin d'une petite rénovation. Nox & Confrérie, une seconde pour tout changer.

« Avec moi, sectaires. » La jeune fille leva son bâton. « Ô destin funeste, comète écarlate qui transperce les abysses béantes, j'en appelle aux noires ténèbres de ton cœur afin de déchirer le voile de la réalité. Danse, danse, danse sur ce charnier saumâtre, car au bout de la nuit, seule l'âme séculaire persiste ! Ad victoriae mundis et mundis lacrima ! » Les rares magiciens du groupe vinrent se joindre à son incantation, et après quelques secondes, de nombreuses explosions frappèrent le quartier général, qui s'écroula sur lui-même dans un feu d'artifice de flammes et de poussière.

Nox applaudit comme un enfant hystérique. « Woaaaaaw ! Encore ! Encore ! »

Les bandits, quant à eux, prirent un sacré coup au moral.

Il prend tout cela à la légère. Mais vraiment, pouvait-elle s'attendre à autre chose ? Enfin, elle ne pense pas réellement à cela, en plein affrontement, trop occupé à esquiver les lames qui fusent, sifflent autour d'elle. Une botte sur le côté, agile, un pas arrière, un demi tour en arc de cercle et une lame qui suit le même mouvement lunaire, tranchant la chair au passage. En plein affrontement, la jeune femme est une autre personne, on peut même apercevoir un sourire furtif sur ses lèvres. Cet affrontement intense, cette lutte de chaque instant, cette adrénaline. Et pour une fois, le plaisir de ne pas s'inquiéter de la mort de ses hommes la libère d'un poids lourd qu'elle porte constamment sur son cœur. Bien sûr, elle préfère que les personnes se battant à ses côtés ne meurent pas, mais elle n'a pas d'attachement particulier à ces derniers, pas d'obligations morales, pas de responsabilités.

Ivre de combat, elle ne réalise qu'après coup qu'autour d'elle les corps s'entassent. Le souffle court, elle reprends ses esprits et voit à quel point cet affrontement commence à l'épuiser. Il ne faut pas qu'il s'éternise trop et comme s'il lisait son esprit, Nox annonce le signal. Pour quoi ? Selenne tourne la tête vers Marie-Charlotte et l'observe, elle et les autres magiciens, pratiquer leurs incantations... Perplexe. La langue arcanique n'est-elle pas la seule langue utilisable pour pratiquer les Arcanes ? A quoi sert donc ce long préambule ? A moins qu'elle ne se trompe, après tout, la Générale n'est pas particulièrement versé dans l'art de la magie. Mais les explosions qui suivirent la laissèrent bouche bée. Définitivement, elle ne doit pas chercher d'histoire à cette Marie-Charlotte, aussi excentrique semble-t-elle être.

La soldate tourne les yeux et la lame vers les criminels qui ne savaient plus vraiment comment réagir. Une partie tenta de charger, la rage aux ventre et la peur dans le coeur, tandis que l'autre préféra fuir le combat. Ceux-là, elle ne les pourchassera pas. Quel intérêt pour un guerrier que de poursuivre jusque dans la mort des hommes qui ont refusé de se battre ? Non, elle préfère continuer d'affronter les audacieux, les inconscients. Car ils foncent sans aucune stratégie, sans ordre ni logique. C'est la haine d'avoir perdu leurs repaires qui les poussent et les guident. Soit.

Selenne allait frapper, voulait frapper, quand elle remarque que derrière un Nox en pleine félicité, un ennemi s'approche. L'occasion serait trop belle, il n'a pas l'air de l'avoir remarqué. Du moins, pas de ce qu'en observe la soldate Nebulanne. Nox en moins, cela voudrait dire que son objectif qui risque simplement d'apporter le chaos à Caer Hrid serait annihilé. Ce sera parfait. Et pourtant, elle se téléporte juste à ses côtés et transperce l'ennemi de sa lame, juste dans la gorge. Difficile d'esquiver un ennemi qui est apparu en moins d'une seconde. Selenne retire sa lame avec violence et non sans éclaboussure, tandis que le corps tombe lourdement sur le sol. "Je crois que tu peux retourner faire blanchir ta tenue." Elle sourie d'un sourire narquois, taquin. En effet, la gerbe de sang qui s'est échappé de son épée s'est propulsé sur sa tenue. Et ça, c'est sa petite vengeance personnelle à sa façon d'être et ses nombreuses railleries depuis leur courte rencontre. Elle ignore si Nox serait mort de cette attaque en traître ou s'il l'avait senti venir, mais elle ne peut pas le laisser prendre ce risque. Ou ne le veut pas.

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