Son corps glisse le long de la paroi et jamais ne trouve une réelle raison d'être. Sione est un homme au caractère changeant ; le peu de gens l'ayant connu lorsqu'il était enfant parle d'un individu plutôt introverti qui ne parlait que peu. Un bambin fragile à l'élocution bancale qui ne donnait que cette sensation de mauvaise humeur. Les sourcils froncés, les cheveux devant les yeux et cette mimique grincheuse. Le jeune homme n'était qu'un humain coincé dans une armure de timidité bien lourde pour ses petites épaules. Puis il y a eu des événements, des instants difficiles qui chacun à leur tour ont entaillé son âme, faisant saigner de plus en plus ses plaies pour ne laisser qu'une infime cicatrisation.

La chenille est devenue un papillon, un être qui s'assume. Sione est de ceux qui s'amusent d'un rien, son fin rictus ne cessera de se promener sur ses lèvres, il aime se moquer, user de l'ironie et se montrer l'adepte des piques pour mettre en avant ou rabaisser certaines de ses rencontres. Ce mage est tel un musicien qui ne cesse de suivre sa partition ; il passe des graves aux aiguës avec aisance pour ne jamais faillir face à sa manière de penser. Malgré cela il aime avoir ce qu'il veut et pour cela, il jouera de méfiance, de manipulation histoire de contrôler et retourner le cerveau des imbéciles pourtant utiles. Tout n'est qu'une question d'égoïsme, seule sa propre personne n'est digne d'intérêt, au final.

Les doigts agités sur le piano le musicien ne cesse de passer d'une note à une autre, dévoilant des facettes de sa personnalité. Il se sait puissant, il a conscience sans mal qu'il est une menace pour beaucoup et pour cela il n'apprécie guère que l'on remette en question certaines de ses décisions ; pour ne pas dire la quasi-totalité. L'homme aime se délecter du dernier mot, de la saveur d'avoir raison dans une joute verbale. La satisfaction de se savoir dans le juste. Bavard il est de prime abord un être des plus abordable bien que cela ne soit guère qu'un masque orné de dorure pour attirer les foules. De fait, Sione est ténèbres, noirceur.

Son âme est souillée, une partie de celle-ci à comme disparu et ce pour toujours. La mort n'est qu'un événement lambda, l'achat d'un dessert, le constat d'une malchance. Nul ne l'a déjà vu éprouver de la compassion face à une perte, Sione sera même le premier à reprendre la suite de sa vie. Il aime se promener dans cet aspect démoniaque de son être qu'il rejetait pourtant autrefois. Sa résonance est sa seule attache, l'amitié et l'amour ne sont que des sentiments surfaits qui n'apportent que faiblesse. Pouvant être perçu comme cruel, le chevalier n'y apporte aucun intérêt car il sait où il va et pourquoi. Trop bête est la plèbe pour comprendre.

Il est l'un des trois leaders de l’Égide blanche depuis bientôt cinq longues années ; son rôle ne lui plaît pas plus que cela ; il a tendance à faire peur de sa simple présence ; et pourtant il est fin moqueur et un charmeur de renom ; il collectionne les conquêtes d'un soir ; c'est un dessinateur hors pair ; sione a toujours froid ; au fond de lui il perçoit les créations de sa résonance comme des amis ; d'ailleurs un étrange ouvrage à la couverture travaillée ne le quitte jamais — malgré son rôle sa stature n'est pas très imposante ; il joue du piano ; son apparence est primordiale ; son avis sur le monde est plutôt pessimiste ; il a un étrange symbole sur la langue ; du fait de son poste il a un compte en banque bien fourni ; il aime disparaître aux yeux des siens pour voyager ; il ne porte jamais d'armes ; et pourtant adepte de l'escrime ; fanatique des chats.

Déjà bien longtemps que Sione se contentait d'insinuer ne posséder aucune famille. Il avait pris la décision de tourner la page depuis de nombreuses années, celle de ne plus regarder en arrière, pour son bien être mais aussi pour celui de ceux qu'il abandonnait dans son sillage. Le chevalier n'était pas parti de rien et ce dernier ne pouvait se targuer d'être un pauvre garçon que la vie aurait malmené. Une famille de la moyenne société qui se targuait de ne penser qu'à la survie et à la santé des leurs. Des activités professionnelles des plus banales ; loin des siens la simple idée d'user d'une épée ou de se battre pour la nation, de lambda marchands, des gens simples se mêlant avec brio dans la plèbe.

Dans cet amas familial Sione trônait tant bien que mal. Il était l'enfant du milieu, celui qui avait la malchance de pouvoir regarder de deux côtés pour observer un frère aîné réussir avec brio tout ce qu'il touchait — aussi banals ses objectifs étaient puis de l'autre une petite sœur qui amadouait tout le monde avec son sourire enjôleur et ses talents de cuisinière précoces. Le jeune homme n'était de son côté qu'une ombre, qu'un petit être cherchant une place dans ce pays enneigé. Depuis toujours il ressentait le froid de sa nation parcourir ses veines, le frigorifier sans jamais réussir à assouvir ce besoin de se réchauffer. Père et mère, ces deux mots qu'il avait la sensation de répéter encore et encore afin de se faire entendre lui qui avait bien du mal à trouver ses mots et aligner une phrase sans avoir à se reprendre. Un petit être qui ne cherchait que la solitude.

Les années passèrent, le sablier s'écoula. La maladie avait choisi leur foyer emportant avec elle la figure maternelle, séparant les membres de la famille en leur faisant réagir bien différemment au deuil. Sione n'avait pas déroger à sa règle, il avait choisi de rester seul avec lui-même afin de n'avoir à soutenir personne autre que lui-même. Puis un éveil, une apparition. Résonance. Elle avait montré le bout de son nez par surprise, il ne faisait que lire un ouvrage lui permettant de penser à autre chose, de voyager. « tout seul mon beau ? » Les mots se firent soudain entendre incitant le garçon à jeter l'objet dont il tenait temps. Voilà qu'un bouquin se permettait de lui tenir compagnie, de lui tendre la main sans en posséder une. Lui qui aimait tant la solitude se retrouvait à donner la vie aux objets, comble de l'ironie.

L'ombre qu'il était continua sa route tant bien que mal. Sione passa de boulot en boulot ne dénichant pas ce qu'il pouvait bien faire de sa carcasse. Tantôt serveur, tantôt tenancier d'une auberge, il se perdit lui-même se renfermant sur son être tandis que les siens avaient tous pu atteindre ce qu'il visait. De fait il continua à se rabaisser bien qu'un certain ouvrage ne l'ayant jamais quitté prononça la phrase qu'il voulait entendre depuis longtemps. « aisé de toucher du doigts ses objectifs quand ces derniers sont des plus basiques. toi tu ne feras que viser l'inatteignable. » La chose à qui il avait insufflé la vie lui apprenait comment la vivre. Un sourire se dessina sur ses lèvres à son écoute puis il ne cessa de l'entendre encore et encore.

La cigarette émit une petite lumière, une légère étincelle dans cette pièce en prise à la pénombre. Sione est là, allongé par terre la tête soutenue par quelque chose d'indéfinissable. L'ouvrage à la couverture un brin abîmée s'approcha de lui en flottant légèrement. « je peux savoir ce qui se passe ici ? » Malgré l'obscurité ambiante le dit objet pu distinguer un étrange sourire sur le faciès de son créateur. Son aura dégagea de la folie — non, toute son expression se voulait malsaine puis le chevalier prit la parole. « j'ai dû agir vois-tu ? N'avions-nous pas dit qu'il fallait atteindre l'impossible ? Je m'efforce de faire ce qu'il faut. » A nouveau Sione prit une bouffée de tabac qu'il cracha au dessus de lui tandis qu'il se redressa. « coruscare. » Le mot en langue arcanique donna la sensation de résonner puis il fît apparaître une flamme dans la main du chevalier, rejetant en partie la pénombre étouffante qui régnait.

Du rouge. Partout. Sione croisa les bras puis désigna du doigt sans pour autant défaire cette étreinte quelque chose au sol. Par instinct l'ouvrage s'inclina un peu puis sembla percevoir l'horreur ; un corps gisait sans vie, le sang de ce dernier partout dans la pièce. « oh un... carnage. » Avec nonchalance le chevalier haussa les épaules en guise de réponse à sa création puis il soupira. « il va falloir nettoyer et ne prends pas cet air interloqué nous avons fait bien pire pour arriver où nous en sommes aujourd'hui. » Le bouquin donna la sensation de déglutir. « pourquoi veulent ils tous me compliquer la tâche ? »